Le shintoïsme (神道 Shintō, littéralement la voie du divin) est la religion fondamentale la plus ancienne du Japon, liée particulièrement à sa mythologie. Le terme Shintō est apparu pour différencier cette vieille religion du bouddhisme « importé » au Japon vers le VIe siècle.
Le Shinto est un mélange d’animisme et de chamanisme fondant un polythéisme (subdivision a l’infini d’une force cosmique). Le concept majeur du Shinto est le caractère sacré de la Nature. Le profond respect en découlant définit la place de l’homme dans l’Univers: être un élément du grand tout. Ainsi, un cours d’eau, un astre, un personnage charismatique, un simple caillou ou même des notions abstraites comme la fertilité peuvent être considérés comme des kami. Avec le temps, la vénération originale pour la nature s’est atténuée, sans pourtant jamais disparaitre. Les kami ont pris des formes plus humaines, avec un large corpus de mythes associés.
Certaines divinités (kami) ont une portée locale et peuvent être considérés comme des esprits ou des génies, mais d’autres sont des symboles des éléments naturels majeurs, comme par exemple Amaterasu, la déesse solaire.
Les kami représentent des flux d’énergie cosmique (le qi chinois dont la description donnée par les chamanes est comparable par son comportement et sa forme à l’électromagnétisme physique de Clerk Maxwell et le « anima » ou âme, cœur, courage psychique latin) qui animent l’Univers (cf. l’élan vital de Bergson). Ces flux s’incarnent dans les éléments terrestres (minéraux, végétaux, animaux) pour y insuffler la vie.
Ainsi, on retrouve ce concept de flux d’énergie (ki en japonais: 気), la medecine (byoki, malade, littéralement « énergies altérées ») ou encore toutes les expressions signifiant la prise de position intellectuelle (« Ki ni suru », être affecté; « Ki wo tsukeru », prendre garde etc…).
Métaphysiques et spiritualités
Issues donc de l’Unité cosmique, ces flux fondant la vie s’incarnent en une multitude de Kami. Le polythéisme qui s’en dégage est infini, dans le sens ou chaque parcelle de vie est sacrée. La mythologie shinto dit qu’il existe 8 millions de Kami (Happyakuman, 八百万)car les kanji se lisent également « Yaoyorozu » signifiant une myriade i.e. une infinité, un nombre inquantifiable). En descendant sur Terre pour y insuffler la vie, les kami ont créé l’archipel japonais.
L’origine de l’Homme dans ce contexte cosmogonique n’est pas clairement établie. Mais la famille impériale base sa légitimité charismatique (au sens de Max Weber) sur son origine déclarée comme divine (le premier Empereur Jimmu ayant été envoyé sur Terre par les kami pour fonder la nation japonaise).
Kamidana: demeure des esprits présente à l’entrée de la plupart des habitations au Japon Le respect des ancêtres et le sentiment de communion avec les forces de l’univers et les générations passées sont les bases spirituelles du Shinto.
Morale et éthique
Bien que le shintoïsme ne comporte pas de commandements absolus pour ses membres excepté de vivre « une vie simple et en harmonie avec la nature et les hommes », on considère qu’il existe « quatre préceptes » de l’esprit Shinto :
- Tradition et famille: La famille est considérée comme le mécanisme principal permettant la préservation des traditions. Ses principaux évènements sont les naissances et les mariages.
- L’amour de la nature: la Nature est sacrée; être en contact avec la nature, c’est être près des kami. Les choses Naturelles sont vénérées car elles contiennent des esprits sacrés.
- Propreté physique: Les disciples du Shinto se baignent, se lavent les mains, et se rincent la bouche aussi souvent que possible.
- Matsuri: organiser des festivals dédiés aux kami. Les matsuri sont très nombreux et leurs dates varient selon les lieux.
Histoire
Les premiers écrits relatifs au shintoïsme sont le Kojiki (712) et le Nihonshoki (720), compilations de mythes et légendes. À travers eux, la lignée impériale est déclarée descendance directe de la déesse Amaterasu, qui lui a donné mandat pour gouverner le Japon.Leur rédaction coïncide avec l’apparition du bouddhisme sur l’archipel, tout simplement parce que l’écriture n’était pas connue des Japonais jusque là. Avec l’arrivée du bouddhisme, les kami ont été assimilés à des êtres surnaturels soumis au cycle de vie, mort et réincarnation. Kûkai, au contraire, voit les kami comme une manifestation directe des bouddhas.
Durant la période Edo, différentes tentatives ont lieu pour séparer le shintoïsme « originel » de ses influences étrangères comme le bouddhisme et le taoïsme.Entre la restauration Meiji et la fin de la seconde guerre mondiale, le shintoïsme est promu au rang de religion d’État. L’empereur divinisé devient chef d’état et commandant suprême de l’Armée et de la Marine, et les activités des autres religions comme le bouddhisme sont limitées. Dès lors, et notamment lors de l’ère Showa, les principes du shinto et notamment le culte d’Amaterasu servent de fondement à l’expansion de l’empire et au hakko ich’iu, le droit divin de la «race nipponne» à dominer l’Asie. Après la capitulation japonaise de la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’empereur Hirohito renonce officiellement à son statut de divinité à forme humaine (akitsumikami) sans renoncer toutefois à son ascendance divine.
Aujourd’hui, de nombreux Japonais embrassent plusieurs religions, par exemple vouant un culte aux kami ancestraux, se mariant dans une église chrétienne et se faisant inhumer selon les rites bouddhistes. Toutefois, on peut considérer que le rapport entretenu par le peuple japonais au Shinto est de l’ordre du culturel, de l’inconscient collectif (au sens de Jung) davantage que celui du religieux.
Lieux de culte
Le shintoïsme se pratique dans des sanctuaires très dépouillés. « Un simple miroir, suspendu dans le sanctuaire, vient constituer l’essentiel du mobilier. La présence de cet objet s’explique aisément… Lorsque pour prier, vous vous tenez face au sanctuaire, c’est votre propre image que vous voyez se refléter sur la surface dansante et ainsi, cet acte de foi est comme l’antique injonction delphique: « Connais-toi toi-même », en grec : « gnôthi seauton ».
La présence d’un miroir peut aussi être mise sur le compte des insignes impériaux : selon la tradition, Amaterasu, ancêtre divin de la famille impériale, a transmis à ses descendants trois objets, qui sont les garants de la légitimité du pouvoir. Ces objets sont l’épée, le joyau et le miroir.
Le sanctuaire de Yasukuni est l’un des lieux de culte shinto les plus célèbres. Yasukuni -jinja, littéralement « le temple du pays apaisé », 靖國神社 est un sanctuaire shinto situé dans l’arrondissement de Chiyoda-ku à Tokyo. Il fut construit en 1869 pour rendre hommage aux Japonais « ayant donné leur vie au nom de l’empereur du Japon ». Les âmes de plus de deux millions de soldats japonais morts de 1868 à 1951 y sont déifiées.